Je suis avec Johnny Frachey, combattant professionnel et professeur de MMA au Fushan Kwoon. Nous allons voir comment survivre à une agression.
On va partir sur un contexte “d’embrouille”, soit deux personnes qui se disputent après un accident de voiture par exemple. Il ne s’agit donc pas d’une agression par surprise, durant laquelle l’assaillant voudrait entre autres prendre le téléphone, qui est un contexte complètement différent.
La première erreur que je vois très souvent est de rentrer dans une sorte de délire d’ego-trip où il s’agit, lorsque l’agresseur approche, de me coller à lui front contre front pour l’impressionner. C’est une manœuvre très dangereuse car une fois à cette distance, si notre adversaire envoie un coup ou s’il tente de nous attraper on aura jamais le temps de bloquer. Il pourra nous planter très vite car son arme car on n’a quasiment aucun temps de réaction possible. Ainsi la première chose à faire si quelqu’un s’approche dangereusement est de reculer pour maintenir en permanence une distance de sécurité.
Il faut aussi essayer d’avoir une garde qui ne semble pas agressive, une sorte de garde dissimulée. Il ne s’agit donc pas de se mettre en garde de boxe, poings fermés, mais de lever les mains devant soi, sans trop les écarter pour éviter d’attirer les coups vers son visage. On va donc fermer l’angle des coups de poings direct pour renforcer la possibilité d’avoir un crochet, qui sont majoritaires dans les combats de rue.
On lève donc ses mains de cette manière, les épaules un peu levées dans le cas où il faudrait se protéger. Lorsque l’agresseur approche, on va tendre un bras puis reculer. On peut effectuer ce geste de manière un peu plus agressives en le repoussant, mais ce mouvement risque d’énerver l’assaillant, il vaut donc mieux reculer en disant “ne m’approche pas, qu’est-ce qu’il se passe ? Je ne veux pas d’histoire”, pour paraître le moins agressif possible et de commencer à parler.
Il faut vraiment garder à l’esprit que la priorité dans une agression est de s’enfuir le plus vite possible, pas de frapper. Cela peut sembler un peu à contre-courant de ce que l’on peut voir en général, où beaucoup aiment montrer comment détruire son agresseur. Le problème c’est que cela se retourne contre nous si ça ne fonctionne pas. Ainsi selon moi, même si on peut dire que j’enfonce des portes ouvertes, le meilleur moyen de ne pas prendre de coups c’est de ne pas me battre est de partir dès que j’en ai la possibilité. Pour réussir à s’enfuir, il ne faut donc pas être prêt de l’autre mais aussi faire attention à son environnement.
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Avec ma garde, lorsque l’assaillant approche de moi, je vais donc voir de quel côté se trouve la sortie et me diriger vers elle. Il est très important de ne pas rentrer dans une phase agressive.
Une autre chose à laquelle on ne pense pas est de faire appel aux gens qui sont autour de nous, en les prenant à parti. Il y a plusieurs moyens pour y parvenir de façon efficace. La plupart des gens ne se sentiront pas concernés s’ils ne sont pas pris à parti personnellement, si on crie dans le vide “aidez moi ! aidez moi !” par exemple. Il vaut mieux s’adresser individuellement aux personnes en les prenant par l’épaule par exemple, ou en ayant au minimum un contact visuel, pour demander de l’aide.
Si on est dans un endroit où il y a des commerces, des magasins, des restaurants, des banques, etc, une autre manière de s’en sortir est de courir et de rentrer quelque part, de se cacher derrière le comptoir et de demander d’appeler la police. Il y a peu de chances pour que l’agresseur soit motivé au point de vous suivre et de rentrer dans un commerce en prenant le risque de se retrouver face à une ou plusieurs personnes.
Le téléphone ou même les livres sont des fléaux de la société. Leur problème est que ceux qui s’en servent ne voient plus ce qu’il se passe autour d’eux. Il s’agit donc de vigilance. Souvent, on marche tête baissée, les yeux rivés vers son téléphone. Si quelqu’un s’approche, on ne s’en apercevra qu’au dernier moment, lorsque l’on est déjà à une distance bien trop proche.
Il faut donc faire preuve de discernement. Il ne faut pas sortir son téléphone si on est dans un endroit potentiellement dangereux ou que l’on repère quelqu’un de louche. Si on doit absolument l’utiliser, il faut alors placer ses mains devant son visage pour conserver un champ de vision large, même s’il ne s’agit pas forcément d’une position habituelle (par ailleurs cela fera du bien à votre dos et votre posture).
La vigilance est donc primordiale, notamment par rapport à son environnement. De la même manière, il faut ranger son téléphone si on l’utilise dans le métro par exemple, et qu’on voit quelqu’un s’approcher en jetant des regards à droite et à gauche, etc.
Il ne faut pas tenter le diable.
Parfois, on a pas le choix. On a pas eu le temps de réagir, de voir la personne arriver, ou alors il s’agit d’un assaillant particulièrement agressif et je vais prendre un coup. Que faut-il faire à cet instant ?
Même avec de l’entraînement, ce n’est pas toujours évident de voir de quel côté et comment le coup va arriver, s’il va s’agir d’un crochet avant, arrière, un peu plongeant ou au contraire venir d’en bas. Cela peut venir d’angles surtout bâtards en fait, car on a souvent à faire à des gens agressifs mais qui ne savent pas se battre et qui font donc des mouvements inattendus.
J’utilise essentiellement un seul type de blocage que j’appelle le “Crash” dans ma discipline de MAD, le self-défense. Il faut lever les deux mains derrière la tête pour en protéger l’arrière, rentrer le menton dans la poitrine et surtout se rapprocher. En effet, cela peut sembler contraire à l’instinct naturel mais si l’on recule le haut du corps, on donne en fait à l’assaillant la bonne distance pour envoyer ses coups.
Que le coup vienne de la gauche ou de la droite, il faut donc choisir un côté et venir se rapprocher en se protégeant. Idéalement, si on voit le côté du coup il faudra s’avancer du même côté. Même si on part à l’opposé, le mouvement va de toute façon nous protéger.
Selon moi la meilleure solution à cet instant est de passer dans le dos de l’agresseur, en descendant en même temps que le crochet. Les avants-bras tendus devant soi vont créer une sorte de tremplin qui fera glisser le coup au dessus de nous. Parfois, en descendant suffisamment, cela peut ressembler à une esquive rotative qu’on rencontre en boxe, mais qui nécessite beaucoup d’entraînement avant de sortir en situation de stress. Je préfère donc descendre et passer en dessous du crochet. A partir de là, on passe dans le dos et on ceinture son adversaire par les hanches.
Pourquoi passer dans le dos de l’agresseur ? Sur le principe on peut effectivement se dire que le mieux est de partir le plus vite possible, ce qui est très important pour moi. Cependant, si après le mouvement on se retrouve dans une impasse, il faudra repasser devant l’agresseur pour s’enfuir. Le fait de le ceinturer permettra donc de jouer de ses coudes pour forcer le basculement avant de pousser l’adversaire dans le dos et fuir. En apprenant correctement la combinaison, elle ne nécessite pas énormément de force. Bien sûr s’il y a un vraiment un gros désavantage de gabarit par exemple cela sera un peu plus difficile, mais c’est à ce jour la meilleure solution que j’ai trouvée. Je ne dis pas que c’est parfait, mais cela vous permettra au moins de temporiser pour se diriger vers la bonne direction et atteindre la porte de sortie.
Ce n’est évidemment pas une technique magique. Elle demandera un minimum d’entraînement pour ressortir en situation de stress. L’avantage est qu’on reste assez proche de la réaction naturelle qu’est de se protéger en rentrant la tête. Il ne s’agit donc pas d’un mouvement complètement inhabituel et demandera tout de même moins de travail pour ressortir.
Contrairement aux techniques d’enchaînement de coups dévastateurs, où l’on va frapper les yeux, la gorge, attraper les cervicales, etc, un autre avantage est que ce mouvement ne blessera pas l’agresseur dans son ego. Il ne cherchera donc pas à vouloir absolument se venger parce qu’il a passé du temps à l’hôpital ou qu’il a été invalidé un certain temps. Même sur l’instant, il n’aura pas pris de coup et sera donc moins énervé, ne voudra pas forcément vous courir après. Il n’y pas vraiment d’humiliation. Au contraire si j’avais mis mon adversaire KO, il cherchera probablement à me retrouver ou en tout cas se rappellera de moi si je le recroise.
Une des premières chose que voulait un de mes élèves qui s’était fait agressé était de retrouver son assaillant pour se venger. Il ne faut pas tomber là-dedans, même s’il s’agit d’un instinct naturel.
Il faut aussi se rappeler où on est si on malmène son agresseur. Si on est dans notre propre quartier, il y a de fortes chances pour que je le recroise un jour ou l’autre.
Johnny, qui a une bonne expérience sur le sujet de la sécurité, me parlait de l’efficacité des frappes en situation réelle. En ayant travaillé en sécurité pendant longtemps, il a pu voir différents scénarios, notamment, et cela plusieurs fois, des individus que n’arrêtaient pas les coups aux parties génitales ou à la carotide. Certains peuvent être remplis d’adrénaline ou d’autres substances illégales et sur eux ce genre de coups ne fonctionne tout simplement pas.
Il faut se rappeler que les techniques auxquelles on a recours la plupart du temps dans les démonstrations de self défense ne fonctionnent pas toujours. Il faut avoir l’option de pouvoir s’enfuir, notamment grâce à des conseils comme ceux que j’ai donnés qui sont plus contextuels. Il seront utiles à ceux qui veulent éviter le conflit.
Même Johnny, qui est un combattant professionnel et donc entraîné, avec de la puissance, de la vitesse, de la précision, qui sait donc faire mal à quelqu’un, s’aperçoit que les coups n’ont parfois pas du tout l’effet escompté. On peut mal imaginer comment une personne, même en s’entraînant une ou deux fois par semaine, pourra se sentir sûr de toucher à tous les coups et de mettre KO ses adversaires.
Il faut faire attention à cet excès de confiance, à se méfier de ceux qui vendent du rêve, notamment avec les coups aux parties génitales, censés fonctionner à coup sûr.
Johnny affirme avec raison qu’il n’y a pas une seule technique qui pourra convenir à chaque situation. Il s’agit plus d’attitude et de vigilance. La plupart des agressions se déroulent dans des endroits qu’on a l’habitude de fréquenter. On ne fait donc plus attention à ce qu’il se passe autour de nous. La routine fait de nous des proies potentielles. Les personnes qui se font attaquer ont souvent été scrutées auparavant. L’agresseur a souvent eu le temps de prendre toutes les informations qu’il voulait pour choisir le bon moment, un peu comme le font les cambrioleurs.
Les techniques de self défense qui pourraient éventuellement fonctionner, sont souvent efficaces dans le contexte “d’embrouille” que j’ai décrit. S’il s’agit de situations où l’agresseur veut simplement le téléphone, il ne se contentera pas de dire “donne moi ton téléphone”, mais s’en saisira et partira aussitôt, en frappant, balayant, ou même en étant à plusieurs.
L’élève dont je parlais tout à l’heure avait sorti son téléphone et quelqu’un lui a barré la route. Deux autres hommes sont arrivés derrière lui, l’ont balayé, roué de coups, pris son téléphone et sont partis. Contre ce type de situations, il n’y a pas de solution. La plupart du temps il s’agit d’effet de surprise que même le meilleur combattant au monde ne verra pas arriver. Dans ce type de situation, on n’a plus qu’à faire la boule et essayer de survivre. La plupart du temps, les techniques qu’on aura apprises ne fonctionneront pas.
Pour moi, toutes les situations qu’on peut voir dans les cours de self défense sont souvent faussées dès le départ, dans la mise en situation, dans le contexte qui n’est pas réaliste. Dans la vraie vie cela ne se passe jamais comme ça.
Si on n’a pas de sortie de secours, que l’on ne se sent physiquement pas prêt à se battre, que l’on est coincé, etc, et surtout que la demande n’est pas irraisonnable, qu’elle ne touche pas à notre intégrité physique, je recommande toujours de donner. On perd, certes, un objet matériel mais on conserve son intégrité. Cela n’est pas forcément facile pour l’égo, mais il s’agit du meilleur moyen de s’en sortir. Au moins on est en vie., et intact.
On ne sait jamais ce qu’il peut se passer, certains s’acharnent gratuitement. Il faut toujours faire le maximum en son pouvoir pour ne pas rentrer dans la bagarre, le conflit, et essayer de ne pas prendre de coup dans tous les cas.
Pour résumer on va essayer de retenir les trois points les plus importants, même s’ils font partis d’un ensemble où tout est important. Le premier point c’est la vigilance : être vigilant en permanence, savoir où l’on se trouve. Deuxièmement, en cas d’agression, maintenir constamment sa distance. Enfin, en troisième point, prendre à parti son entourage comme des passants ou en allant se réfugier dans un commerce.
Je serais curieux de connaître ton avis sur le sujet donc n’oublie pas de laisser un commentaire et de partager la vidéo sur les réseaux sociaux.
Et comme je dis toujours : “Celui qui croit savoir n’apprend plus”, alors garde l’esprit ouvert !